J'admets, j'ai eu des titres plus sympathiques...
Bref, pourquoi cette question ?
Figurez-vous qu'en regardant les mots clefs qui amènent certains lecteurs sur ce blog, j'ai remarqué que je ne réponds pas franchement à l'interrogation existentielle : comment vivre avec une clavicule cassée ?".
- Peut-on bouger le bras avec une clavicule cassée ?
Non.
Enfin si, mais c'est à vos risques et périls et je vous aurais prévenus !
Bouger le bras implique bouger l'épaule (par extension la clavicule) et bouger un membre dont l'un des piliers est endommagé, c'est excessivement douloureux et ne facilite pas la guérison (voire la retarde au mieux, la sabote au pire).
Pour que l'os se consolide au niveau de la fracture, il faut qu'il soit immobilisé. Basé sur le même principe que quand vous collez deux surfaces ensemble, si vous n'arrêtez pas de bouger les deux pièces, elles finiront par coller, certes, mais moins rapidement et surtout pas comme il l'aurait fallu. Et il serait dommage de devoir casser une nouvelle fois pour recoller correctement...
Après, bouger la main et éventuellement l'avant-bras dépendra du type de fracture (et il en existe un paquet) mais ça restera plus ou moins douloureux et pas vraiment conseillé.
Si les urgences vous donnent le saint graal de la cavicule cassée, soit les anneaux de contention, vous devrez vous
démerder pour trouver une solution afin d'immobiliser vous-même votre bras. Et allez prendre un deuxième avis voire un troisième parce que les anneaux de contention sont une torture utilisée
normalement pour les personnes agées qui n'ont pas intérêt à passer sur le billard (au risque d'en crever) et dans les cas de fractures non déplacées qui peuvent être réduites par ce procédé.
- Quels sont les moyens de soigner une clavicule cassée ?
Tout dépend de la fracture, de sa gravité et de sa localisation.
Une fracture du tiers moyen (située vers le milieu de de la clavicule), pas trop déplacée et dont les morceaux ne risquent pas de transpercer la peau ne nécessite pas d'intervention chirurgicale et peut être réduite par les anneaux de contention (mais vous allez jongler !).
Les autres situées sur le quart interne ou externe soit aux extrémités de la clavicule sont plus complexes et moins fréquentes. Dans ces cas, l'intervention est presque tout le temps indispensable, d'autant plus que ce sont des zones où les ligaments, les tendons, les nerfs, bref la tuyauterie du bras passe donc il se peut que tout ce petit monde ait été malmené.
Il n'est pas stupide non plus d'essayer d'approfondir le diagnostic et de ne pas se focaliser uniquement sur la fracture. M'at-on suggéré fin 2011 (soit 3 ans, 1 mois et 5 jours après l'accident) de passer une IRM afin de vérifier que les tendons n'aient pas été endommagés ce qui serait potentiellement à l'origine de ma douleur permanente... Et ce n'est que maintenant qu'on m'en parle !!! >.<
Si on vous affirme qu'il est possible de vivre avec une clavicule cassée à vie - soit une clavicule pseudarthrosée (le cal osseux n'a pas pu se former à cause de la distance entre les morceaux et a été remplacé par une pseudarthrose qui en fait presque une nouvelle articulation) -, c'est vrai ! Vous pouvez vivre avec une clavicule cassée à vie.
Mais vous pouvez aussi vivre avec un bras ou une jambe amputé... C'est simplement chiant et handicapant.
Dans le cas de la clavicule cassée, c'est chiant, handicapant et très douloureux. :)
Demandez donc au chirurgien si lui voudrait vivre avec sa clavicule cassée à vie, ça devrait lui redonner un peu de jugeotte et de bon sens. Sinon, traitez le de sale con et allez voir ailleurs.
Une dernière précision : comme me l'a très justement souligné le dernier chirurgien que j'ai rencontré (et qui est reconnu nationalement comme l'un des meilleurs spécialistes de l'épaule), une fracture laisse toujours des séquelles plus ou moins importantes et l'état de l'os ne reviendra jamais à celui d'avant la fracture.
Ne pensez donc pas avoir la même forme olympique après une fracture, vous seriez déçus.
- Les anneaux de contention, c'est quoi ?
Une invention des chinois pour torturer les prisonniers de guerre.
Pardon, je m'égare.
Jadis, les médecins utilisaient des chambres à air de
vélo.
C'est tout simplement un anneau en forme de huit que l'on serre de manière à maintenir les épaules en arrière afin de réduire la fracture. Je vous conseille de ne pas garder les anneaux fournis par les urgences, ils se déserreront très vite et très souvent : ils ne sont pas de bonne qualité. Préférez des anneaux orthopédiques (qui seront en partie à votre charge) ou une écharpe.
Image prise sur le site de la chirurgie de la main
"Les anneaux « en huit » très souvent utilisés sont censés réduire la déformation en réduisant la fracture. Mais l’expérience montre que pour être efficaces, les anneaux doivent être très serrés et que cela est difficilement supportable surtout la nuit. En plus les anneaux finissent par se détendre pendant la nuit les rendant inefficaces."
De plus, ils ne sont utiles que dans certains cas précis suscités.
Dans mon cas par exemple (fracture déplacée du quart externe), les anneaux passaient précisément SUR la fracture ne pouvant ainsi la réduire et accentuait la douleur.
Même les professionnels ne sont pas d'accord sur son
utilisation jugée inefficace et douloureuse par une bonne partie.
- Les attelles, c'est mieux ?
Oui et non.
Cela dépend des attelles et de leur objectif (quelle zone
immobiliser).
Mieux parce qu'elles n'aggravent pas la fracture contrairement aux anneaux quand ils sont mal préconisés.
Mais quand le chirurgien oblige le port d'une attelle en particulier et que celle-ci passe également sur la fracture, c'est tout aussi douloureux que les anneaux au final.
Voici les attelles généralement fournies par les hôpitaux
:
Image prise sur le site du docteur Moulinoux
Vous comprenez bien qu'avec une clavicule cassée et une
attelle qui prend appui sur les deux épaules, ça risque de faire (très) mal. Hélas, je n'arrive toujours pas à comprendre comment les médecins n'y ont pas pensé... >.> Il n'y a rien de mieux que l'experience pour s'en convaincre. Messieurs dames les chirurgiens, cassez-vous donc la clavicule pour estimer le bien fondé de mes
remarques.
Bref, je lui préfère et de loin celle-ci :
Image prise sur le site Adéquat- orthopédie
Mais encore une fois, ce sera à votre charge. Et il n'est
pas dit que votre chirurgien soit d'accord, il peut ainsi se permettre de vous engueuler pour ne pas avoir utilisé le matériel qu'il vous a fourni. C'est
excessivement susceptible un chirurgien. :p
Pour ma part, je dis : à vous de choisir entre le confort ou l'économie.
Les modèles sont brevetés par conséquent ils sont
"normalement" adaptés et conformes.
- Comment vivre avec une fracture ?
Tout dépend de la fracture, de sa gravité et de sa localisation. (bis)
Les fractures les plus complexes à vivre sont celles de la clavicule/omoplate/humérus, de la hanche/col du fémur, des côtes et du coxis.
Elles touchent des régions qui sont sollicitées en permanence même inconsciemment, difficilement voire non immobilisables donc excessivement douloureuses et difficiles/longues à guérir.
Pour une fracture de clavicule (la seule que je puisse évoquer par expérience) : vous ne pouvez pas vous habiller, vous laver, manger, dormir ou faire quoique ce soit comme activité sans risquer de saborder votre guérison.
- Vous habiller demandera une mobilité incompatible avec votre état, avez-vous déjà essayé de mettre/d'enlever seul une chemise ou un tee-shirt sans remuer un bras ? C'est tout bêtement impossible. Je vous passe les soutien-gorges pour les femmes qui ne peuvent pas s'en passer... C'est un moment très amusant. Ou pas. Vous regretterez votre féminité pendant un certain moment.
Et vous érigerez un autel à la mémoire de l'inventeur de
la fermeture éclair. Merci Whitcomb Judson !
- Vous laver vous demandera de retirer les anneaux (auquel cas, ils ne servent donc strictement à rien étant efficaces - quand il le sont du moins - que si portés et serrés en permanence). Oh ! Et oubliez donc d'essayer de laver l'aisselle du côté endommagé, ce n'est pas possible. Par contre, ne soyez pas choqués de son état pitoyable ou de l'odeur pestilentielle quand vous pourrez enfin lever le bras - ne serait-ce pas un début de gangrène que vois-je ? - c'est normal après un mois et demi de macération d'immobilisation. Je ne vous raconte pas ce que ça donne après 5 mois...
Deux options s'offrent à vous : ne pas vous laver ou vous
faire aider par la famille (ou une aide à domicile quand vous n'en avez pas ou que celle-ci fait dans la désertion). Le choix n'est pas aussi simple qu'il y paraît.
- Manger est possible sans trop de difficulté mais il faudra se cantonner à des aliments simples à la consommation donc qui ne nécessitent l'usage que d'une maine et une seule. Amis carnivores, oubliez vos couteaux... Et oubliez les biscottes tartinées de beurre le matin.
Ceci, bien sûr pour les célibataires. Les autres qui vivent en communauté peuvent toujours demander de
l'aide...
- Dormir, selon votre position, sera une tâche soit désagréable mais faisable si vous dormez sur le dos (attention aux torticolis en rafale) et dans un lit accessible ou alors totalement impossible si, comme moi, vous ne pouvez pas dormir sur le dos et/ou que votre lit se situe à 1m du plafond... J'ai opté pour le canapé, on peut dormir assis.
N'oubliez pas, vous avez une clavicule cassée donc n'espérez pas avoir un moment de répis pendant votre
sommeil ; sauf si vous êtes drogués légalement à la morphine.
- Utiliser les transports, se déplacer se révèle être une action pénible et douloureuse.
Les transports vous bombardent de vibrations qui résonnent jusqu'à votre fracture.
La ceinture de sécurité, tellement utile pour la sécurité routière, devriendra votre hantise.
Conduire ? Ce n'est plus de l'inconscience, c'est une tentative de suicide.
Ne reste plus que la marche ! Oui, mais notre façon de nous mouvoir dans une éternelle perte et reprise d'équilibre induit inévitablement un mouvement de balancement des bras (donc des épaules) automatiquement d'avant en arrière. Et maintenir les épaules en bloquant le geste impose des tensions aussi lancinantes que de balancer les bras.
D'un seul coup, vous en venez à envier les vieux et leurs simili quads... C'est
triste d'en arriver là.
- Les courses. Ah ! Les courses !!!
Moment de plaisir incomparable. Chariot ou panier ? De toutes façons, l'un ou l'autre sera équivalent en terme de souffrance. A vous de décider si vous voulez souffrir beaucoup et longtemps en une seule fois (chariot) ou de souffrir beaucoup mais moins longtemps en plusieurs fois (panier).
La caisse Handicapés, malgré la blessure et la souffrance visibles, ne vous servira à rien et vous en viendrez à haïr les grand-mères vous passant devant le nez prétextant un âge avancé... Oui, mais si vous aviez vécu moins longtemps, vous auriez moins mal à la hanche ! (la douleur a tendance à rendre de très mauvaise foi... et aussi de très mauvaise humeur)
- Le ménage, déjà une corvée en soi sauf pour les maniaques, est pratiquement aussi jouissif que de faire les courses.
Passer l'aspirateur d'une main ? Big Mother, frustrée de me voir chez elle à ne rien faire (ben si, je souffre et ça me prend toute la journée !), a essayé de démontrer que c'était possible. Pour quelqu'un de valide, oui. Mais avec une fracture de clavicule, les mouvements de l'autre bras se font bien ressentir et occasionnent par un effet miroir des mouvements du bras qui devrait pourtant ne pas bouger.
Ce sera exactement la même situation pour la vaiselle, le linge, et toutes les activités ménagères.
Mais bon, ne pouvant ni manger, ni vous habiller, ni vous laver, vous salissez moins et moins vite ce qui compense votre incapacité à nettoyer votre petit nid.
\o/
- Conclusion :
Pour résumer ce que j'ai pu faire pendant mes six mois de fracture/luxation avec quatre mois d'anneau et mes deux mois d'attelle : chialer de douleur sur le canapé de Big Mother.
Réponse récapitulative : on ne vit pas avec une clavicule cassée. On souffre. :)
By Kypic
La phrase de la fin par André Malraux :
"La pire souffrance est dans la sollitude qui l'accompagne."